Le Chêne Pointu
Je marche dans ces parages un jour d’hiver à coté de la ligne de tram. Dans les couloirs d’un bâtiment qui semble abandonné, dans les travées d’un centre commercial au bout de sa vie ,mal éclairé, j’entend mes pas sur le carrelage froid. Rien a priori qui vaille d’être vu. Plus j’arpente ces allées plus l’endroit me semble plongée d’en une stase. Bien peu de trace de vies, des habitués se posent sur une rambarde, pour discuter canette en mains et clope au bec et puis c’est tout.
Je me demande comment faire pour extraite cet ennui silencieux de ce vide apparent.
Mon investigation visuelle commence ici : documenter les promesses d’un futur pas encore advenu. Mon appareil photo peut-il déceler les indices d’un avenir en construction ? Comment témoigner d’une histoire nouvelle dont on m’a assuré qu’elle était en train se se former ?
C’est l’été, des enfants, s’amusent au bord d’une plage artificielle près des fontaines bariolées, alors que les mères et et les soeurs se reposent sur des transats.
Je m’enfonce un peu, une nouvelle partie de la ville émerge. Le béton disparait sous une végétation débordante, immeubles et parkings sont peu à peu rattrapés par l’entropie, une dégradation lente et assurée de ce territoire urbain, paradoxalement aspiré par la nature revenue.
Antonio Gramsci disait : « La crise consiste justement dans le fait que l’ancien meurt et que le nouveau ne peut pas naître ». 20 ans après les émeutes d’ici, quelles sont les signes tangibles d’une renaissance ?
Je croise les anciens et les nouveaux, ceux arrivés après le sauve qui peut de la proclamation des zones prioritaires et de la stigmatisation communautaire. Demeure également, l’énergie folle de cette jeunesse, elle a fait sienne son autarcie et je la vois maitre de son temps.
Clichy sous bois, le chêne pointu. Territoire dans une mue fragile, incertaine. La vielle barre honteuse s’effondre, et en levant la tête, certains y décèlent l’horizon.
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